Une session ANA Sécurité Justice « Jeunes », ça ressemble à quoi ?
Session régionale jeune « Sécurité et Justice » à Saint Cyr au Mont d’Or
CAPITALISER SUR LA JEUNESSE POUR MIEUX ANTICIPER L’AVENIR
Par Sarah PINEAU, Auditrice ANA-INHESJ
« La jeunesse elle-même, pourvu qu’on lui fasse confiance, atteint, avant qu’on s’en soit aperçu, le niveau des hommes faits ». Cette phrase de Goethe résume parfaitement l’esprit des sessions régionales Jeunes sécurité et justice, qui plusieurs fois par an, réunissent étudiants et jeunes professionnels dans diverses régions françaises pour les former à ces problématiques.
Dans le numéro précédent, Guillaume FARDE, représentant les jeunes auditeurs au conseil d’administration de l’ANA-INHESJ rappelait la genèse et l’ambition de ces sessions. Mais concrètement, une session « Jeunes », ça ressemble à quoi ? Pour le savoir, place au retour d’expérience d’auditeurs de la douzième session jeune, qui s’est tenue en avril dernier à l’Ecole Nationale Supérieure de Police (ENSP) de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.
Lundi 25 avril 2016 : les échanges ne mettent pas longtemps à démarrer autour d’un café d’accueil, fort appréciable au regard de l’horaire matinal de lever de certains. Nous sommes 40, avec des profils divers quoique l’école de management de Lyon soit très fortement représentée, du fait d’un partenariat spécifique avec l’INHESJ pour cette session : étudiants en droit, commerce, sciences politiques, sécurité et quelques jeunes professionnels (sapeur-pompier, juriste à la CNIL, collaborateur parlementaire, …) , pas assez nombreux de l’avis de beaucoup. Sans doute un point à travailler pour le recrutement des futurs auditeurs des prochaines sessions.
En plus d’être reçus dans les locaux de l’ENSP, nous avons la chance d’avoir dans nos rangs quelques élèves de la Classe Préparatoire Intégrée de l’ENSP qui, outre nous servir de guides pour nous repérer dans les locaux, disposent de précieuses connaissances sur les sujets qui vont occuper notre semaine ; de quoi avoir des débats aussi riches et variés que les points de vue !
La première conférence de la semaine nous fait aborder avec JC FROMENT, directeur de l’IEP de Grenoble, « les enjeux des politiques locales de sécurité et de justice ». A l’origine, uniquement conçues comme des fonctions régaliennes, les notions de sécurité et de justice ont vu ces quarante dernières années une diversification des acteurs amenés à intervenir dans leur champ, collectivités locales, sociétés privées de sécurité etc. De fait, si l’Etat reste un acteur essentiel, on assiste à une démonopolisation des politiques de sécurité.
L’après-midi la visite de l’hôtel de police de Lyon nous permet de constater la mise en œuvre concrète de la coopération entre tous les acteurs concourant à ces politiques locales de sécurité en nous montrant le fonctionnement opérationnel du centre d’information et de commandement (CIC). Malgré la tension et la fatigue, palpables, dues au contexte post-attentat, l’envie de protéger la population et d’assurer sa sécurité se ressent fortement et s’exprime également dans les témoignages des agents.
Au terme de cette première journée, ceux qui ont choisi de loger à l’ENSP pour la durée de la formation profitent du cadre magnifique de l’école, perchée sur les collines, et de ses installations sportives conséquentes, offrant une détente bienvenue et l’occasion de resserrer les liens.
Mardi 26 avril : la journée commence par une table-ronde sur « les spécificités de la criminalité rhône-alpine ». Confrontant le Vice-procureur près du TGI de Lyon, la Direction interrégionale de la Police judiciaire et de la section de recherche de la Gendarmerie nationale, elle nous permet de mieux appréhender le rôle de chacun, l’approche spécifique des différentes structures, leur complémentarité mais également les difficultés que cela peut causer en termes de coordination des effectifs et des analyses. Les obstacles rencontrés ici ne sont pas spécifiques à la région : ils ont largement été évoqués et débattus après les attentats de novembre 2015, particulièrement concernant l’assaut du Bataclan – qualifié de « tardif » par certains à cause d’un manque d’interopérabilité des forces de sécurité présentes sur les lieux du drame – et la gestion des victimes et de leurs familles dans les jours qui ont suivi.
La matinée se poursuit avec une intervention sur le « traitement judiciaire de la radicalisation », un sujet on ne peut plus d’actualité, à la fois parce qu’il intervient dans celle-ci tous les jours ou presque mais également parce que la qualification judiciaire de ce concept n’est pas totalement arrêtée : ce n’est pas une infraction à proprement parler alors que le travail des autorités judiciaires chargées de sa prise en charge est justement celui du traitement des infractions… De quoi alimenter les esprits sur la pause de midi en même temps que les estomacs trouvent leur contentement, avant que le groupe ne soit scindé en deux pour les visites de l’après-midi.
La première moitié se dirige vers le TGI pour assister à des audiences de comparution immédiate : elles en surprennent plus d’un, du fait du comportement irrespectueux des auteurs de ces actes délictueux, même devant la justice, et du caractère un peu expéditif et pas vraiment préparée de celle-ci lors de ces dites audiences.
L’autre moitié se dirige, elle, vers la mairie de Lyon pour découvrir les missions de la police municipale et les moyens qui y sont dédiés. Faisant partie de ce groupe, je dois dire que l’ampleur de ces derniers m’ont surpris, surtout eu égard au difficultés budgétaires auxquelles se trouve confrontée la police nationale visitée la veille. Toutes les villes ne possèdent pas de police municipale, seulement 4 000 sur les 36 000 communes de notre pays. Il s’avère que celle de Lyon est particulièrement conséquente, puisque c’est la troisième de France après Nice et Marseille. Elle a connu un essor rapide, passant de 30 agents au début des années 1980 à plus de 330 aujourd’hui. Police de proximité, elle se veut préventive avant tout.
Le retour à l’école en bus permet au groupe de retrouver son unité et d’échanger sur les expériences différentes vécues dans l’après-midi. Les internes ont la chance, quant à eux, de rencontrer divers personnels en poste dans différents services de renseignement et réunis également à l’ENSP pour une semaine de formation. La confrontation de l’expérience du terrain à la théorie voire aux préconçus si elle n’est pas toujours évidente est, à tout le moins, très enrichissante !
Mercredi 27 avril : nous poursuivons sur le sujet de la radicalisation avec une table-ronde consacrée au rôle des services de renseignement dans la lutte contre ce phénomène. Sont représentés le Service Zonal de Sécurité Intérieure (Lyon), le Service de Renseignement Territorial (Sud-Est) et la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires. Tous insistent sur le rôle crucial joué par le renseignement aujourd’hui et amené à monter en puissance au vu du contexte actuel mais également sur les difficultés liées aux réorganisations récentes et multiples qui empêchent les services d’atteindre leur pleine efficacité.
La fin de la matinée est consacrée à une présentation par le Service Départemental et Métropolitain d’Incendie et de Secours de la « typologie des risques en vallée du Rhône » et sur les moyens développés pour s’en prémunir. Détaillant les risques courants, les risques particuliers et les risques complexes, il évoque les attentats qui n’entrent dans aucune des catégories précitées. Et s’ils existent des documents qui en traitent, ceux-ci sont essentiellement des outils stratégiques prenant le sujet en amont, et non pas des outils de gestion. A ce titre l’aval doit impérativement et rapidement être amélioré, surtout à l’heure où le ministre de l’Intérieur, B. CAZENEUVE a rappelé en novembre 2015 : « dans une crise terroriste, la dimension de secours et la dimension de sécurité publique sont par définition plus étroitement liées que dans n’importe quelle autre crise ».
L’après-midi après une introduction remarquable aussi bien sur le fond que sur la forme de la police technique et scientifique (PTS) par le président de l’Institut National de la Police Scientifique, nous découvrons le travail de ses personnels grâce à une reconstitution de scènes de crime. Empreintes palmaires, matériels luminescents pour révéler des traces cachées, indices à première vue anodins mais en réalité cruciaux… Au bout de trois heures, nous comprenons mieux l’importance fondamentale des 750 personnels de la PTS, composée à 75% de profils scientifiques, aussi bien sur le plan national pour aider les enquêteurs qu’en matière de coopération internationale notamment pour la veille sanitaire.
Le soir un futsal endiablé entre la promotion INHESJ et les personnels de renseignement en formation permet de reposer utilement les neurones fortement sollicités depuis le début de la semaine et encore amenés à l’être dans les deux jours suivants !
En effet, jeudi 28 avril un point rapide nous est fait sur « le rôle de l’avocat tout au long de la procédure pénale », notamment sur les différentes étapes qui composent celle-ci : garde à vue, audience libre, instruction, jugement, application de la peine. Notre interlocutrice insiste sur les relations cordiales qu’entretiennent la police et les avocats, même si après la réforme judiciaire de 2011, l’avocat est désormais présent durant la garde-à-vue ; elles ont été froides pendant une période, le temps que chacun retrouve ses marques et ses habitudes. Pour elle, l’équation est simple : « ce n’est pas que la police et les avocats ne s’aiment pas. C’est juste que nos intérêts sont différents ». Après cette intervention, passionnante par la liberté de ton employée, nous nous scindons de nouveau en deux groupes pour ce qui sera pour beaucoup le moment fort de la semaine, la visite d’un établissement carcéral. Pour les uns, de la maison d’arrêt de Corbas, pour les autres, le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier. Côté Corbas, le passage par le quartier des femmes de la maison d’arrêt avec, entre autres, la question de la gestion de la maternité en prison a marqué les auditeurs. Côté Saint-Quentin-Fallavier, le témoignage d’un surveillant expliquant sa manière de faire du renseignement pénitentiaire en dépit du manque criant de moyens et de personnel, les problématiques posées par le choix d’un partenariat public-privé pour un certain nombre de services annexes à l’établissement (restauration, blanchisserie…), l’échange avec l’animateur chargé des activités sportives des détenus et enfin le dialogue avec ces derniers dans l’atelier de travail basé sur le volontariat ont tout à la fois bouleversés certains et confirmé la vocation d’autres à passer les concours de la pénitentiaire. Dans tous les cas, la pénétration de ce milieu fermé, à la fois physiquement et symboliquement a constitué une expérience humaine unique, tant par les préjugés qu’elle permet de combattre que par les responsabilités qu’elle appelle à prendre, la plupart des détenus n’étant guère plus âgée que les auditeurs…
Comme toute formation qui se respecte et pour sceller les liens créés depuis le début de la semaine, une sortie nocturne dans les bars lyonnais s’imposait ! Les natifs de la région nous ont montré que si sur les problématiques de sécurité et de justice, leurs connaissances étaient perfectibles, sur la cartographie des lieux festifs de Lyon, elles étaient davantage au point !
Vendredi 29 avril : toutes les bonnes choses ont une fin, la douzième session régionale « Sécurité et Justice » n’échappe à pas à cette (triste) règle. Heureusement, notre dernière matinée se conclue en beauté avec une présentation des missions et du matériel de l’antenne du RAID par des personnels passionnés et heureux de nous faire partager leurs savoirs. Leur professionnalisme autant que leur humanité est touchante : ils incarnent pleinement leur devise « Servir sans faillir ».
Après avoir reçus toute la semaine, c’est à notre tour de donner : 5 groupes d’auditeurs avaient été constitués en amont, charge à chacun d’entre eux de présenter le résumé d’une journée de la semaine avec les expériences marquantes de celle-ci, les points à conserver, les détails à améliorer.
Après cette restitution, très positive dans l’ensemble, vient le moment de la remise des diplômes avec la présence, entre autres, de la Directrice de l’ENSP, Madame Hélène MARTINI, du Président de l’INHESJ, Monsieur Jacques BUISSON et de la Présidente de l’ANA-INHESJ, Madame Danièle LUCCIONI qui nous encouragent à continuer dans cette voie, par intérêt professionnel ou personnel.
Autour du cocktail de fin de formation, cet appel à nous impliquer au sein de l’ANA-INHESJ est entendu. Fort de tout ce que cette semaine nous a apporté, nous nous engageons à diffuser l’existence de cette formation dans nos réseaux respectifs et rejoindre les jeunes de l’ANA qui via Facebook ou twitter ne manquent jamais une occasion d’apporter leur point de vue sur les sujets de sécurité et de justice !